My blogging friend
Imparfait Présent (Imperfect present) noticed traces of nostalgy in my previous posts and prompted me to co-write a text with him. The result can be found below. He wrote the first paragraph, calling me to take him on a journey. Surfing on memories of my sailing days, I took him on a mystical ocean passage with quiet night watches, enchanted island discoveries and magic friendships... The third section is his reaction to the voyage. I'll have to apologise to my English speaking readers for not providing a translation. I.P.'s texts are dotted with subtle wordplays which only work in French. I admire his writing tremendously and a poor translation wouldn't do him justice. For those of you can't read French, please resort to my photo, a tagged wall along the Quai de la Ligne in Avignon, to set off on your own journey. Like the characters on the poster (an advert for a play dating back to last July's Theatre Festival) take your little suitcase, step aboard and let your imagination loose...
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Lever l’encre
Emmène-moi au bord de l’amer. Emmène-moi là où je peux déverser tout ce qui trouble mes nuits comme on trouble des eaux claires. Tout ce qui me rend triste. Tout ce qui me rend amer. Emmène-moi dans ces déserts de souvenirs, ces abîmes de douleur. Emmène-moi. Fais-moi voyager. Sortir de ma réserve naturelle. M’énerver. M’emporter. Dire. Dire tout ce qui me déplaît, me révolte. Emmène-moi. Fais-moi bouger. Réagir. Bondir. Bousculer nos certitudes. Emmène-moi au bord de l’amer. Là-bas, en dessous. En dessous de mes limites. Au-delà des mots. A l’intérieur de mes pensées. Entre toutes ces blessures du passé et ces peurs du futur. Emmène-moi. Fais-moi surfer sur tous ces vagues à l’âme. Et construire tous ces ponts. Tous ces ponts de la vie, non, de l’espoir. Tous ces ponts. Ces mains tendues vers les autres. Vers toi. Vers nous. Emmène-moi. Fais-moi dériver vers tout ça. Emmène-moi. Fais-moi sourire et pleurer en même temps. Fais-moi rêver et me rappeler. Fais-moi vivre. Dire ce qui me ronge. Dire ce qui me fait vibrer. Dire. Crier même. Au bord de l’amer. Sur le chemin de la douce heure. Emmène-moi, je partirai sur ce que tu me donneras.
Oui ami, viens avec moi. Jusqu'à présent j'ai toujours suivi, mais maintenant je sais tracer ma route. Je t'emmènerai. A la douce heure on prendra l'échelle de coupée, on montera sur le pont respirer le sel de la vie. Tu sens comme l'air de la nuit se fait velours ? Ici c'est mon royaume. Celui où les âmes se délient, où les corps s'ouvrent, où les grandes choses s'accomplissent.
Sans bruit nous avons largué les amarres. Pas un éclat de voix : j'aime ces manœuvres bien rodées où chacun s'affaire, solidaire, complémentaire. Notre navire trace un sillage phosphorescent dans l'encre du rêve. Devant nous, luisant sous la lune, l'horizon du possible, fuyant mais toujours là. Je n'ai pas allumé la lampe tempête, il n'y a pas de tempête. Cet océan est pacifique. Nos yeux se sont accoutumés au noir, un noir riche et fondant de chocolat à paillettes. Où sont passées tes peurs ? Tu as vu comme la nuit s'apprivoise ? Le cap est facile à tenir, nous suivons notre bonne étoile. Je connais le nom des constellations, je te les apprendrai : le pont des sourires, la carte du tendre...
La mer berce notre conversation nocturne. C'est l'heure des confidences. Pas de vague à l'âme ni de vague à lame, mais des âmes-sons, des âmes soeurs. As-tu déjà vécu de ces moments de symbiose parfaite avec l'univers ?
Lorsque nos compagnons à leur tour viendront prendre leur quart, nous irons dormir, confiants, joue quadrillée par le hamac. La lune se couchera avec nous, par amitié. Pelotonnés dans la chaleur des voix étouffées sur le pont, on s'endormira d'un sommeil rond. Les amis veillent, le bateau trace sa route vers l'aurore; nos rêves légers, sans conséquence, seront comètes aussi éphémères que notre sillage.
C'est l'aube aux doigts de rose qui nous ramènera sur le pont : une ombre de soie bleue, terre ! Terre de feu, feu follet, lait de vache, cochons, couvées, que nous promet cette île sept îles c'est-il ? Quelles odeurs nous accueilleront, frangipanier, poisson séché, gasoil épices épicéa ? Nous irons à la rencontre de ces drôles d'autres. Terriens merriens, faux découvreurs nous sommes, vrais gens ils sont, mais ils ne font pas tout comme nous, c'est bizarre.. Comment peut-on être persan ? Nous le découvrirons ensemble. On a toute la vie pour apprendre...
bbb
Mais le soleil s'est levé, Schéhérazade doit arrêter son histoire. Elle continuera demain et tous les autres jours jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de jours, c'est l'histoire des hommes. L'histoire de ceux qui vivent avec le ciel, qui font des ponts en petits bateaux, qui godillent en eaux claires, qui rient avec les baleines et sourient aux enfants, qui se moquent de la consigne et qui te tendent la main - qui attendent ta main.
C'est plus facile pour moi d'avoir un tremplin duquel décoller. Un pont des sourires. Il y a toutes ces mains qui se tendent dans cette boîte à lettres. Tous ces hyper liens qui se créent. Ces toiles qui se tissent. Et ces voiles qui se hissent. Voilà. C’est ça. Les iles se lient les unes aux autres. Des hyper iles. Chacun sur son île mais prêt à nous laisser y jeter l’encre. Les îles se lient et moi je lis tes maux comme on décoderait une carte aux trésors enfouie au fond de toi. Tous ces voyages à cœur gagnant. Rien n’est perdu. Il y a toujours des mains qui se tendent. Des ponts sur lesquels on danse la vie. Des ponts qui se construisent entre nous. Entre vous. Et moi je te dis tu.
Tu sais quoi ? Je sais que nos chemins s’éloignent puis se rapprochent. Se distendent puis se resserrent au fil du temps. Mais qu’importe le temps. Qu’importe les chemins. On n’oublie pas. On ne s’oublie pas. Il y aura toujours une place dans la boîte à l’être. Toujours un moment privilégié pour une réunion de voyage. Un retour d’expérience. Qu’importe le temps. Qu’importe la distance. On pourra toujours hisser la grande toile et cliquer sur nos hyperliens. Toujours.
Oh ! Capitaine, ma capitaine ! Emmène-moi voguer. Emmène-moi danser. Danser sur des mers du sûr. Du sûr de soi. Oh ! Capitaine, ma capitaine ! Donne-moi cette force. Ta force de braver les océans inconnus. Sans peur et sans reproche. Que veux tu que l’on te reproche, magicienne ? Ces jours en pleine nuit. Ces nuits noires transformées en chocolat à paillette ? Ces océans de douce heure ? Tes sept îles ? Mes dix terres ? Année de la planète terre. 2008. Alors voguons. Voguons sur les mers. Marchons sur les terres. Les nuits, les jours. Les mains dans les mains. Que veux tu que l’on nous reproche, oh ! capitaine, ma capitaine ? Il y a des mains qui se tendent. Des mains qui attendent. Et nous les saisissons. Aujourd’hui. Demain. Toutes ces mains. Tout au long du voyage. A chaque coin de la terre. Mais j’ai toujours et encore peur que cela ne tourne pas net. 2008 année internationale de la planète… terre.
Terre ! Terre !
Photo : quai de la Ligne, Avignon, octobre 2007. Mur taggé et relique d'affichage sauvage pour une pièce jouée durant le festival d'Avignon en juillet dernier.